Aujourd’hui, j’avais rendez-vous dans Paris non loin de mon ancien quartier.
J’ai marché jusqu’au boulevard Richard Lenoir.
Ce boulevard dont tout le monde parle à travers le monde et qui m’a été si familier pendant 7 ans.
Je l’ai vu toute la semaine à la télé ce boulevard… Je n’ai pas compris…
Je n’ai pas compris qu’un tel drame puisse avoir lieu sur ce boulevard que je prenais pour aller dîner dans le 20m2 de mes potes à Bastille, ce boulevard où j’ai fait mes courses, mon marché, ce boulevard où j’ai marché seule, entre amis, en couple, fiancée, mariée, enceinte, puis avec ma fille.
Je n’ai pas compris pourquoi un policier avait été tué au pied du square où ma fille avait fait du toboggan.
Aujourd’hui, il n’y avait aucun enfant qui faisait du toboggan… Il n’y avait pas non plus les accros de la pétanque qui passent d’habitude la journée à tirer, pointer et un peu picoler.
Il n’y avait pas non plus les SDF qui se réchauffent sur les bouches d’air chaud.
Aujourd’hui, il n’y avait que des badauds.
Je n’aime pas les badauds. Et pourtant j’en suis un aussi aujourd’hui…
Je suis passée devant Charlie Hebdo… Je n’ai toujours pas compris…
Je ne lisais pas Charlie Hebdo mais je connaissais Cabu, Charb, Wolinsky et les autres dont les meilleures unes trainaient dans mes toilettes ou dans ma bibliothèque.
Je m’offusquais de certains dessins que me montrait mon mari chaque mercredi tout en lâchant un petit rictus nerveux…
Je crois à la liberté de la presse.
Je suis journaliste mais je n’ai rien à voir avec Charlie Hebdo. Je tiens une caméra au lieu d’un stylo… parce que je dessine comme un pied (ma fille de 4 ans dessine mieux les bonhommes que moi c’est dire…).
Mes sujets ne sont pas polémiques. Je ne parle pas d’actualité. Je n’aime plus depuis longtemps le journalisme news. J’ai pesté devant ma télé toute la semaine sur cette course au scoop des chaînes infos qui risquent de mettre en péril la vie des gens.
J’ai décidé de faire du journalisme autrement mais je respecte ceux qui parlent d’actualité, qui se moquent de l’inmoquable. Parce qu’il faut être informé, parce que c’est une liberté que de se moquer…
Nous sommes en démocratie et normalement on ne meurt pas sous les balles pour un dessin ou un texte, sauf ce mercredi dans le 11ème arrondissement de Paris.
Je suis restée je ne sais combien de minutes devant Charlie à essayer de comprendre mais je n’ai pas compris…
Les badauds prenaient des photos, faisaient des selfies, écrivaient des mots, déposaient des fleurs, crayons et bougies, avaient le regard grave ou souriaient à s’en décrocher la mâchoire en regardant certains dessins.
J’ai été surprise par le nombre de messages de new yorkais sur le mur, réveil sans doute des douleurs du 11 septembre…
Chacun faisait son deuil à sa manière…
J’aime l’image, j’ai toujours un appareil photo, smartphone ou autre prêt à dégainer pour saisir un instant fort. L’instant était fort mais je n’ai rien pu dégainer… Mes mains sont restées figées dans mes poches… je suis restée figée, les larmes sont montées…
Je suis allée déjeuner dans mon ancien pub préféré. J’ai commandé mon burger préféré. D’habitude, je déteste manger seule au resto mais là je m’en fous…
Je suis heureuse de voir que les gens sourient autour de moi, de voir le serveur danser au comptoir, j’entends des blagues. Je reprends le métro et je n’ai jamais vu les gens aussi souriants et polis. Un mec qui s’excuse après avoir marché sur le pied d’un autre, c’est un touriste ? Eh non, un parisien pourtant pressé…
Et voilà un autre qui laisse sa place à une vieille dame. Et un autre qui s’excuse d’avoir bousculé avec son sac…
Je rentre dans ma banlieue, je vais chercher ma fille à l’école et je suis heureuse pour elle et pour son frère de voir qu’ils ont changé Paris / la France mais en mieux.
La France est debout et pour mes enfants, pour Cabu, Charb, Wolinski, Honoré, Tignous, Bernard, Elsa, Mustapha, Michel, Frédéric, Franck, Ahmed, Clarissa, Philippe, Yohan, Yoav et François-Michel, j’espère qu’elle le restera…
Et parce que vous savez que le fil rouge sur Maman Alitée est le rire (pour des bébés en bonne santé), continuons donc de rire…
*Charlie Hebdo lu la 14 janvier par des gens qui n’avaient jamais ouvert le journal ;)
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